Au milieu des années 60, le bouillonnant Jean-Luc Lagardere se lance dans l’automobile, rachète la socité René Bonnet en faillite et se lance dans la formule 1. Sur la route, la première véritable Matra sera la Matra 530 …
Dirigée par Philippe Guedon (*), l’ingénieur maison, l’étude du coupé Matra 530 détermine que ce sera un coupé 2+2, avec un moteur central arrière, avec une ligne sportive pour une cible d’acheteteur jeunes. Un challenge difficile car réaliser un coupé 2+2 à moteur central arrière complique sérieusement le boulot des stylistes. Il faudra donc trouver un moteur tout petit …
Le châssis s’inspire des technologies aéronautiques avec une plate-forme qui ne pèse que 140 kg, grâce à de nombreuses alvéoles dans le métal. On gagne du poids, mais on oublie le traitement anticorrosion… La carrosserie sera réalisée en matériau composite, offrant des avantages de gain de poids et de facilité de mise en oeuvre.
Matra 530, typiquement sixties
La ligne est agréable, moderne, originale et équilibrée. Elle offre des attributs « branchés » de la fin des années 60 : un toit targa amovible en deux parties (en option) qui la transforme en cabriolet et des phares rétractables. A l’intérieur, l’habitabilité est suffisante pour 2 adultes et 2 (jeunes) enfants. Votre petit dernier de 15 ans qui joue au rugby ne pourra pas s’y installer … et puis avec le moteur qui chauffe l’habitacle sous la lunette AR « bulle », vous n’aurez jamais froid dans une Matra 530 !
La question du moteur a été primordiale, avec de fortes contraintes. Il fallait qu’il soit très compact, suffisamment performant et robuste pour fonctionner dans un environnement fermé. Dans un premier temps, Matra a pensé monter celui de la Renault 16 dans la 530, puis le 1800 BMW, un VW 1500 retravaillé… avant de choisir le V4 Ford 1700 cm3 de la Ford Taunus, avec sa boite 4 vitesse de même origine. Equipé d’un carburateur Solex simple corps de 67 à 69, le V4 Ford développe 70 ch à 4800 tr/mn et 13,7 mkg de couple à 2400 tr/mn. Ca ne décoiffe pas, mais c’est fiable. Et avec un Cx de 0,34 et un poids contenu à 935 kg la Matra 530 atteint 172 km/h, ce qui la positionnait dans l’anti-chambre des véritables sportives. En 1969, le V4 Ford bénéficiera de carburateurs Solex double corps, faisant passer la puissance à 75cv
A l’intérieur, on est dans l’esprit « course » avec un tableau de bord équipé de 2 gros cadrans centraux un compteur généreusement gradué jusqu’à 220 km/h et un compte-tours culminant à 7.500 trs/mn. Quatre manos ronds entourent l’ensemble qui est au moins aussi soigné que dans une A110. La sellerie est bon gout et confortable, l’ensemble reste globalement flatteur si il est en bon état.
Difficile carrière commerciale
Avec son moteur central, les qualités dynamiques du coupé Matra 530 A étaient indéniables, mais le manque de performances va grever la carrière du petit coupé qui doit ferrailler dur pour exister à coté de l’Alpine A110 …
Pour relancer la machine, en 1970 Matra va changer les appellations commerciales de sa M530 A et proposer un modèle d’appel dépouillé, la SX, surnommée « Pirate« . Des optiques fixes remplacent les phares escamotables, les enjoliveurs sont peints en noir mat, il n’y a plus qu’une seule grille d’aération moteur à l’arrière au lieu de 4, le toit devient fixe, la jupe arrière est de couleur caisse, le tableau de bord est en alu brossé, les sièges arrière sont purement et simplement supprimés.
Et il y aura la LX, pompeusement baptisée « Matra des seigneurs« , qui se positionnera en haut de la gamme, en reprenant la finition de la A.
Malgré les efforts marketing pour associer le coupé 530 au proto V12 3 litres qui sera vainqueur aux 24 Heures du Mans, la carrière commerciale de la Matra 530 ne décolera pas, avec seulement 9.609 exemplaires produits entre 1967 et 1973. La trop modeste motorisation ne justifie pas seule cet échec. Des modèles proches (Porsche 914, FiatX1/9 …) dépasseront les 100.000 exemplaires. C’est plutôt sur l’absence de réseau de distribution et surtout d’une jeune marque qui ignorait tout des exigences de l’industrie automobile qu’il faut en chercher les raisons profondes. Ce n’est pas anodin si le concurrent Alpine s’est associé à Renault dès 1965 pour distribuer et entretenir ses modèles …
Le marché de la Matra 530
Acheter aujourd’hui un coupé 530 s’avère être complexe, comme pour toutes les voitures des petits constructeurs de ces années là, produites de façon quasiment artisanale. Evidemment, il faudra essayer de trouver un exemplaire le plus complet possible, au regard de la difficulté à trouver des pièces aujourd’hui.
Délicat aussi, car à l’époque on ne préoccupait pas de la corrosion et le châssis de la 530 peut être en très mauvais état si la voiture a souvent vu la pluie. Enfin, le vieillissement du polyester de la coque peut avoir engendré ici ou là des fissures sournoises qui nécessitent un examen approfondi. Deux rayons de soleil dans cette liste : Le moteur Ford, solide et fiable, dont on trouve tous les éléments sans difficulté majeure et l’existence de l’Amicale 530, très active et documentée sur le modèle.
La M530 reste un must de la production automobile qui retient toujours l’intérêt, au regard de sa réelle rareté mais également de sa conception à moteur central « comme les voitures de course« . Et puis ne boudons pas notre petit plaisir franchouillard …
Assez naturellement, ce sont les premiers exemplaires (A) qui sont les plus recherchés et les SX qui le sont le moins. Mais le marché de ce modèles est hyper restreint. A l’heure où nous écrivons ces lignes, il n’y en a qu’une seule proposée à la vente en France et moins de 10 sur toute l’Europe.
Du coté de la cote …
Pour autant, la cote de la Matra 530 reste contenue … Les beaux exemplaires parviennent se positionnent le plus souvent entre 20 et 25.000 euros. En septembre 2022, une 530A entièrement restaurée a été adjugée à 29.000 euros chez Artcurial. Un niveau de prix qui ne représente même pas le montant d’une réfection sérieuse…
La Matra 530 est à la fois une véritable pépite, une réelle rareté, témoin du génie créatif de Philippe Guédon et de l’épopée d’un nom magique de l’automobile française. Même si son échappement n’a pas le son envoutant d’un moteur anglais ou italien cette petite voiture (à fortiori en version découvrable) peut vous faire passer des moments bien agréables !
Et c’est aussi une certaine façon d’entrer dans l’esprit « Matra », cette marque championne de l’innovation française …
(*) Philippe Guédon sera successivement à l’origine des Matra 530, des Bagheera, Rancho puis de la Murena. Mais le nom de Philippe Guédon restera surtout inscrit dans l’histoire de l’automobile comme étant l’inventeur de l’Espace, créant un nouveau segment automobile et un néologisme : le monospace. Sa dernière création, en 2000, l’Avantime a déjà atteint le statut de collector.
la production de cette Matra 530, à mi fin à la marque Matra dommage car au départ le modèle était superbe