Colin Chapman a démontré que ses compétences en tant que concepteur de voitures de course pouvaient être appliquées tout aussi facilement aux voitures de série avec la Lotus Elite. Sa première Lotus Elite était un très élégant coupé biplace ultra-léger produit de 1958 à 1963. Elle répondait également au nom de code « Lotus Type 14 ». Et elle était bourrée d’innovations technologiques !
La Lotus Elite a été présentée au salon de l’automobile de Londres en 1957, à Earls Court, avec un châssis portant le numéro 1008. L’Elite avait passé un an en développement, l’équipe de Colin Chapman s’appuyant sur les retours venus de « clients de course soigneusement sélectionnés » avant d’être présentée.
Une carrosserie en fibre de verre
La caractéristique la plus originale de l’Elite était sa construction monocoque en fibre de verre très innovante, dans laquelle une coque en matériaux composites remplaçaient les composants du châssis et de la carrosserie qui étaient auparavant séparés.
Contrairement à une Corvette contemporaine, qui utilisait de la fibre de verre uniquement pour la carrosserie extérieure, l’Elite utilisait les matériaux composites pour toute la structure portante de la voiture. Néanmoins, un sous-châssis en acier pour supporter le moteur et la suspension avant était collé à l’avant de la coque, ainsi qu’un arceau de pare-brise de section carrée destiné à fournir des points de montage pour les charnières de porte. Les 250 premières unités de carrosserie furent fabriquées par Maximar Mouldings à Pulborough dans le Sussex. La construction de la carrosserie a causé de nombreux tracas au début, jusqu’à ce que la fabrication soit finalement confiée à Bristol Airplane Company.
La carrosserie définitive était plus légère, plus rigide et offrait une meilleure protection du conducteur en cas de collision. Pourtant, de nombreux mois furent nécessaire pour appréhender pleinement les qualités techniques des matériaux composites car on observait régulièrement que les points de fixation de la suspension se détachaient de la structure en fibre de verre.
Une mécanique roturière
Le gain de poids offert par la carrosserie composite ont permis à l’Elite d’atteindre les performances d’une voiture de sport à partir d’un modeste moteur 4 cylindres en ligne tout aluminium Coventry Climax FWE de 75 ch (55 kW) de seulement 1216 cm3, tout en affichant une consommation de 8,1 L/100 km. Toutes les Lotus Elite de production étaient propulsées par le moteur Climax FWE qui était dérivé d’un moteur stationnaire de pompe à eau équipant les camions de pompiers !
Malgré ses origines roturières, le petit moteur Climax de 1216cc était capable de performances étonnantes : une Elite de série testée par le magazine The Motor en 1960 affichait un joli 179,9 km/h en pointe et pouvait accélérer de 0 à 100km/h en 11,4 secondes tout en obtenant une consommation de carburant pouvant descendre jusqu’à 7l/100 km
La voiture disposait d’une suspension à 4 roues indépendantes avec des triangles transversaux à l’avant et des jambes de force Chapman à l’arrière. Les jambes de force arrière étaient si longues qu’elles dépassaient à l’arrière et les sommets pouvaient être aperçus à travers la lunette arrière !
Les voitures de la seconde série, avec des carrosseries construites par Bristol, avaient des bras arrière triangulés pour un meilleur contrôle du pincement. Des freins à disque Girling de 24cm de diamètre, généralement sans assistance équipaient les 4 roues. L’Elite était équipée en monte d’usine de pneus Pirelli Cinturato 155HR15 sur des jantes à 48 rayons.
L’aérodynamique avancée a contribué à l’obtention d’un très faible coefficient de traînée de la voiture de 0,29, une valeur exceptionnelle même pour une voiture moderne. Ce résultat est d’autant plus remarquable que les ingénieurs n’ont pas profité des avantages de la conception en soufflerie comme Porsche le faisait déjà, par exemple. Le dessin original de l’Elite était de Peter Kirwan-Taylor. Frank Costin, à l’époque ingénieur aérodynamique en chef de la de Havilland Aircraft Company, a également contribué à la conception de cette voiture.
L’Elite SE « Super Equipment » a été introduite en 1960 en tant que variante plus performante, avec deux carburateurs SU et un collecteur d’échappement optimisé pour augmenter la puissance à 85 ch, une boîtes de vitesses ZF à 4 rapports synchronisés remplaçant la boîte de vitesses MG « bon marché », des phares Lucas PL700 et un toit argenté . La version Super 95, disposait d’encore plus de puissance grâce au moteur bénéficiant d’une compression accrue et d’un arbre à cames spécifique à cinq paliers. Quelques versions Super 100 et Super 105 ont été fabriquées, avec une mécanique équipée de carburateurs Weber, pour une utilisation en course.
Parmi ses quelques défauts figuraient une vibration de résonnance à 4000 tr/min et un contrôle qualité médiocre, comme beaucoup de voitures anglaises mais également du fait qu’elle était aussi proposée sous forme de kit, rendant la qualité de réalisation très variable.
Lorsque la production a pris fin en 1963, un peu plus de 1.000 exemplaires avaient été produits, ce qui en fait un modèles des plus rares. La plupart ont survécu et sont recensés par les clubs Lotus
La Lotus Elite aujourd’hui
L’Elite type 14 est une magnifique voiture, belle et rare. Et en plus, elle emporte avec elle un morceau de la légende automobile so british, étant un vrai concentré du génie de Colin Chapman
Du point de vue mécanique, le moteur Climax a été largement diffusé pour qu’on puisse le restaurer sans difficulté particulière. C’est nettement plus compliqué pour les trains roulants où il faudra se poser la question de refabriquer en cas de problème. Quant à la carrosserie, ce n’est pas le carrossier du coin qui pourra vous aider, mais plutôt les spécialistes du composite que l’on trouve du coté des chantiers de maintenance de bateaux de plaisance. Une spécificité qui, d’un autre coté, l’a protégée de la rouille…
La cote de la Lotus Elite
Donner une cote sur un marché aussi étroit serait hasardeux. Mais comparativement aux étalons de la catégorie, l’Elite reste plutôt abordable au regard de sa rareté qui l’a probablement aussi un peu protégé de l’engouement de masse.
On observera que le modèle ayant servi à l’illustration de cet article, une Lotus Elite S2 de 1961 légèrement modifiée (freins, carbus Weber et arbre à cames), a changé de mains cet été 2022 pour 80.000 euros… Cet exemplaire en conduite à gauche et unités métriques avait été livré neuf en Suède.