Il est fréquent de penser (voire de lire) qu’une voiture immatriculée sous le régime de la Carte Grise Collection n’est pas éligible au recours contre le vice caché. Les choses évoluent et sont bien plus complexes qu’on pourrait le penser … Décryptage
Le fait qu’un recours en vice caché contre un véhicule de collection soit impossible s’appuyait souvent sur la jurisprudence du droit français, établi par différents arrêts de la Cour de Cassation, juridiction la plus élevée de l’ordre judiciaire français. Et c’était vrai… jusqu’en 2009.
Au final, très peu d’arrêts de la Cour de cassation existent en la matière. Et la plupart portent sur des véhicules immatriculés en carte grise collection avant l’arrivée du SIV en 2009 et la disparition des restrictions à la circulation.
Ces arrêts s’appuyaient généralement sur le fait qu’un véhicule immatriculé sous le régime « collection » et soumis à l’époque à des restrictions de circulation était réservé à un « usage particulièrement restreint » et qu’à ce titre « on ne pouvait en exiger la même fiabilité qu’un véhicule immatriculé en série normale »
Les choses ont changé depuis 2009
En 2009, il y a eu une réforme de la carte grise collection. Principaux changements : un passage de 25 à 30 ans pour demander le régime collection, rétablissement d’un contrôle technique obligatoire tous les 5 ans et la fin des restrictions de circulation. Cerise sur le gateau, les voitures anciennes immatriculées en collection bénéficient depuis peu d’un passe-droit pour circuler dans les ZFE (Zones à Faibles Emissions) des grandes villes !
Depuis 2009, aucun arrêt ne pourrait donc se baser sur l’argument selon lequel un véhicule immatriculé en série collection était réservé à un « usage particulièrement restreint »…
La profession et toutes les parties prenantes étaient donc dans l’attente de la nouvelle position de la Cour de Cassation.
Un arrêt de 2017 peu explicite
La Cour de Cassation a rendu un arrêt en juin 2017 (Chambre civile 1, 9 juin 2017, n°16-10.548) dans une affaire de litige concernant une Volvo P 1800 S.
Hors, une lecture trop rapide de cet arrêt à conduit la presse spécialisée à rebondir sur le thème « La Cour de Cassation confirme : pas de garantie légale des vices cachés pour un véhicule de collection ».
Mais c’était occulter que _bien que tranché en 2017_ le litige portait sur le régime applicable… avant 2009 ! Et de surcroît, l’affaire ne portait pas sur des vices cachés mais correspondait en réalité à une question de délivrance conforme.
Le délai des procédures de 1ere instance, Appel et donc Cassation pouvant prendre plus de 10 ans, il a encore fallu patienter pour voir tranchés des litiges portant sur des affaires post-2009, date d’entrée en vigueur du nouveau régime de la carte grise collection
La réalité de l’état annoncé et de la sincérité de l’annonce
Le bon sens nous oblige à considérer qu’un véhicule présenté comme totalement restauré, et vendu à un tarif correspondant, ne puisse dénier toute forme de garantie !
Dans l’attente de nouveaux arrêts de la Cour de Cassation, on peut se pencher sur les arrêts de différentes juridictions intermédiaires, comme les différentes Cours d’Appel… Et à la lecture de nombreux arrêts, on observe une tendance forte à retenir les vices cachés même pour les véhicules en série collection.
Morceaux et extraits choisis :
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 18 mai 2021, pour une Maserati Indy de 1972
« … dysfonctionnements affectant le moteur et les freins du véhicule constitutifs de vices cachés indétectables d’un profane et rendant le véhicule parfaitement impropre à la circulation… »
Cour d’appel de Douai, 2 mai 2019, pour une Mustang 1969
« Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a retenu un défaut de conformité et un vice caché. »
Cour d’appel d’Agen, Chambre civile, 17 mai 2017 pour une Ferrari Mondial T de 1990
. »… ces dispositions s’appliquent à tout véhicule y compris de collection »
Cour d’appel d’Amiens, ch. civ. 1re, 1er septembre 2020, pour une VW Coccinelle importée des USA
« Considère que le véhicule était entaché d’un vice caché antérieur à la vente, le rendant impropre à sa destination »
Cour d’appel de Rouen, 1ère ch. civile, 27 novembre 2019 pour une DeTomaso Pantera 1972
« … la garantie des vices cachés, sous réserve que les défauts ne soient dus qu’à l’usage ou à la vétusté, a néanmoins vocation à s’appliquer… »
Il apparait donc clairement que de très nombreuses juridictions ont appliqué le mécanisme de la garantie légales des vices, sans forcement en restreindre l’application au motif qu’iil s’agissait de véhicules immatriculés sous le régime « collection »
Pour plus d’informations et de références, l’article de Me Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour
L’article est intéressant mais on sent qu’il émane d’un avocat. Gardons à l’esprit que cette profession vit de ce type de procédure et a tout intérêt à promouvoir la tentative de recours 😉
Après, l’article met aussi en évidence d’autres points : 1er jugement, appel, cassation … délai minimum 10 ans. Probablement plutôt 12.
Combien de gens vont _concrètement_ se lancer dans une procédure aussi incertaine, même si théoriquement possible ?
C’est cohérent. On ne peut pas dire « aucune restriction » et de l’autre dire « ah oui mais non, c’est un véhicule d’usage particulièrement restreint ».
Je pense qu’une personne qui a une voiture de 100K€ dans son garage et inutilisable par vice caché, va sûrement s’en occuper…