L’A310, ça fait immédiatement penser à ces histoires de successions mal préparées. C’est à la fin des années 60 que remonte l’idée de l’Alpine A310 avec les esquisses de Marcel Béligond. A l’opposé des lignes rondes et typées sixties de la berlinette Alpine A110, le projet Alpine A310 se distingue par une ligne très aérodynamique et un arrière ramassé. Une des originalités de son design est la rangée de phares cachés derrière une vitre qui s’étale sur toute la face avant.
Alpine, c’est l’archétype de ces petits constructeurs géniaux qui ont vu le jour dans les années 50 et 60. Mais, si son fondateur Jean-Redélé s’est avéré un concepteur génial, l’industrialisation et la gestion d’entreprise ont toujours été son talon d’Achille, l’obligeant à céder progressivement le contrôle de l’entreprise à Renault, entre 1967 et 1973
Pour son lancement, l’A310 est équipée du moteur 4 cylindres 1.605 cc litres culbuté de la Renault 16 TS, poussé à 128cv (mod.VE), puis en mai 1973 le même moteur en version injection développant la même puissance, mais avec un agrément supérieur, une consommation et des emissions mieux maitrisées (mod.VF).
Mais pour la clientèle, la déception de retrouver les mêmes mécaniques roturières que celles proposées sur l’A110 S/SC est immense, face à une concurrence proposant des mécaniques 6 cylindres plus nobles (Porsche 911, Ligier JS2, …) et les ventes ne décollent pas. Pourtant, l’A310 offre un châssis redoutable et d’une efficacité remarquable, capable de lâcher des voitures plus puissantes sur route sinueuse. Mais ça ne suffit pas, la clientèle recherche des mécaniques d’un niveau supérieur.
En 1973, mauvaises ventes, grèves et choc pétrolier ont raison de la trésorerie d’Alpine. Jean Redélé cède ses dernières parts à Renault qui devient seul maître à bord. Dans un premier temps, apparait une version « économique » reprenant tel quel l’ensemble moteur-boite de R16 TX développant 95cv (mod.VG). Avec sa boite 5, son poids et son Cx faibles, ses performances restent de premier ordre, et les consommations sont plus raisonnables, le tout avec un véhicule bien équilibré.
Une recette chipée chez Porsche qui propose sa 912, une 911 motorisée par la mécanique 90cv bien moins couteuse de la 356. Vendue 10.000 Frs de moins que la VF, la mission de la VG est de sauver ce qui peut l’être. Elle ne s’écoulera finalement qu’à 386 exemplaires en 2 années de carrière.
Alpine est donc devenue la propriété exclusive de Renault, qui à partir de 1975 dispose d’un nouvel atout dans sa manche : le moteur V6 « PRV » qui développe 125cv sur la Renault 30 TS. L’A310 passe alors un cap décisif en adoptant ce V6 PRV et devenant l’Alpine A310 V6. Plus performante, avec le moteur 6 cylindres de 2.664cm3 poussé 150cv grâce à des pistons, des arbres à cames et un échappement spécifiques, et avec une ligne retouchée, dans le but avoué de venir jouer dans la cour les Porsche.
En passant entièrement sous la coupe de Renault, c’est une toute nouvelle voiture qui est proposée pour le millésime 1977 : nouveau moteur, nouveau masque avant, arrière redessiné et nouvel intérieur plus luxueux.
La carburation de l’A310 V6 était un brin particulière : elle était équipée d’un Solex simple corps 34 TBIA (celui de la R4 !) et d’un Solex double corps 35 CEEI ! Le fonctionnement utilisait une commande à mécanisme à dépression prenant en compte la position de la pédale d’accélérateur faisant que le deuxième carburateur n’entrait en lice que lorsque la pédale d’accélérateur avait franchi le premier tiers de sa course. Ce mécanisme exotique était assez sensible aux réglages …
La boite, sur les première A310 V6 est à 4 rapport et à partir de 1979 l’A310 récupère la boite 5 rapports de la Renault 30 TX. En septembre 1980, l’A310 V6 hérite de nouveaux trains roulants directement hérités de la R5 Turbo. Et on touche là à une des spécificités de l’A310 : cette voiture est la syntèse de ce que Renault fait de mieux sur la période, mais ce n’est pas une voiture qui a bénéficié de développements pensés pour elle-même…
À l’utilisation, les premières V6 sont plus pointues et délicates à contrôler que les 4 cylindres, en raison de la répartition des masses différentes (+ 150 kg sur l’arrière). Le même syndrôme que sur les premières 911 …
Avec son 6 cylindres 2.700cc, ses 150 cv et 226 km/h de vitesse de pointe, l’A310 peut enfin rivaliser avec les autres sportives du marché …
L’A310 V6 phase 2 disponible pour le millésime 1981 accueille donc les trains roulants et jantes de Renault 5 Turbo, mais aussi de nouveaux boucliers avant et arrière, des ailes élargies, un bouclier arrière avec inscription » Renault-Alpine » au lieu de » Alpine-Renault » et un habitacle encore amélioré. On est loin des finitions artisanales des années 72-75…
Pour les millésimes 1983 et 1984, Renault produira une version « Boulogne » survitaminée, affichant 193cv grâce à une mécanique portée à 2 849 cm3 avec carter d’huile anti-déjaugeage et deux carburateurs triple-corps Weber lui offrant une vitesse maxi de 235 km/h.
Mais en 1984 le chant du cygne a sonné. L’A310 apparait en bout de développement alors que la concurrence semble ne pas avoir de limites, notamment Porsche avec sa 911 3.2 de 230cv …
L’A310 aujourd’hui
Longtemps boudée en collection, écrasée par la légende A110 et son image d’héritière mal pensée l’A310 reste une sportive exceptionnelle. L’avantage d’avoir utilisé la banque d’organes Renault garantit une disponibilité des pièces sans souci majeur, tout au moins pour les mécaniques. C’est nettement plus compliqué pour les éléments de carrosserie ou les équipements intérieurs. Mais, avec un peu de patience, la plupart se trouvent.
L’A310 est très fiable, avec une mécanique largement aussi robuste que celle des Porsche, si ce n’est plus. Et puis les carbus, ça a un avantage : ça pétouille, ça ratatouille, ça fume, … mais on ne reste que rarement en panne au bord de la route, contrairement aux injections.
La cote
L’A310 est une sportive performante, racée, sexy et chargée de notre histoire. Elle reste une des sportives les plus accessibles à l’heure actuelle, avec un ticket d’entrée autour de 25.000 euros, les plus beaux exemplaires de la V6 se négociant autour de 35.000 euros. Les premiers modèles, plus rares, peuvent dépasser 40.000 euros.
Tendance
Clairement à la hausse. Le regain d’intérêt pour la marque Alpine avec la renaissance de l’A110 a attiré l’attention de nombreux acquéreurs. Ne laissez pas passer le train…
Notre choix
Avec un budget entre 25 et 30.000 euros, le dilemne est grand entre acquérir une belle A310 V6 de 81-82 ou une 4 cylindres de la première génération.
Fans absolus de l’esprit vintage, notre choix se fera au final sur une 4 cylindres, modèle VG dotée d’une boite 5 et de toutes les évolutions antérieures, malgré sa faible puissance (quitte à lui offrir une petite préparation moteur). Et puis, c’est la plus rare des Alpine A310 avec seulement 386 exemplaires produits ! Mais il va falloir la trouver … et nous serons sans doute contraint de choisir la V6 de 81-82 !
Je trouve la ligne du premier modèle plus pure sans artifices .
Les ailes élargies, le spoiler, le béquet dénaturent à mon humble avis le dessin du premier jet de Marcel Béligond.